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Casque.png Techniques Obstétricales (B.Cristalli)

L'hémostase est un point essentiel de l'obstétrique et les hémorragies de la délivrance ont constitué, et constituent encore, une cause de mortalité non négligeable.
Confronté à une hémorragie de la délivrance les premier temps est de vérifier le délivre (placenta et membranes) afin d'en assurer l'intégrité.
Il faut ensuite, et immédiatement c'est-à-dire sans anesthésie si l'urgence le commande, réaliser une révision utérine qui sera suivie par une vérification cervico-vaginale sous valves. Ces deux gestes peuvent être alternés selon le degré d'urgence.
Une déchirure vaginale ou cervicale peut saigner de manière importante et les causes locales doivent être éliminées en premier.
Dans ce chapitre ce qui est important, outre la réalisation correcte des diverses méthodes c'est le timing et l'adéquation. Quoi faire et quand? Ne pas employer une technique excessive, mais ne pas non plus se laisser déborder et différer un geste lourd mais salvateur.
L'hémorragie obstétricale est comme un ballon qui dégringole dans un escalier, rien ne sert de courir après, la seule façon de l'arrêter est de passer devant.

Les techniques non chirurgicales

Le massage utérin

L'utérus est un muscle et il ne sait réagir à la stimulation que d'une seule façon, se contracter.
Le massage est donc une bonne façon de déclencher ou renforcer la rétraction utérine. C'est aussi une excellente manière de contrôler que le globe utérin se maintient.

Les sutures locales

Le vagin doit être contrôlé après chaque accouchement et encore plus en cas de saignements.
Toute déchirure doit être suturée de manière efficace.
Les déchirures du col sont loin d'être rares et souvent hémorragiques. Rien ne sert de traiter une cause utérine si la cause siège plus bas.

Il faut être bien installé, bien éclairé, bien outillé (avec des instruments longs) et bien écarté. Il ne faut pas hésiter à aller au bloc, il n'y a rien de pire que d'essayer de se débrouiller au fond d'une salle d'accouchement mal éclairée, sans aide et sans instruments adéquats.
La suture se fait avec un fil résorbable, monté sur une aiguille de grand diamètre. Il faut de bons gros points efficaces. En dehors de la partie basse du vagin il n'y a pas de risque de léser d'organe noble.

Les techniques instrumentales

Tamponnement cervical et utérin

La compression locale est le premier geste d'hémostase.
1 - Le tamponnement par un champ chirurgical tassé (dans le vagin voire l'utérus) a le double avantage de réduire l'épanchement sanguin et de favoriser les mécanismes physiologiques d'hémostase.
Il faut tasser serré des champs chirurgicaux au site de l'hémorragie. La compression peut être laissée quelques heures.

La compression est particulièrement efficace pour juguler une hémorragie associée à un thrombus vaginal (hématome disséquant latéro-vaginal et latéro-utérin).
Cette technique peut être utilisée seule si on lutte contre un saignement diffus, en nappe dont une origine précise ne peut pas être décelée, elle peut aussi être utilisée en moyen temporaire d'attente lors d'un transfert, pour attendre une possibilité d'embolisation ou un passage au bloc.
2 - Le tamponnement par un petit ballonnet qui s'applique aux hémorragies endo-cervicales, plus fréquentes dans la première moitié de la grossesse.
Le principe est celui des sondes de Blakemore utilisées pour les hémorragies digestives hautes des varices œsophagiennes. On peut utiliser une sonde de Foley à gros ballonnet. La sonde est introduite dans le col utérin, le ballonnet est gonflé à fond (30 ml) voire même un peu plus après l'avoir testé avant, puis la sonde est mise en traction légère. En cas de chute de la sonde il faut passer à une autre technique.
3 - Le tamponnement intra-utérin par un gros ballonnet style sonde de Bakri. C'est une sonde conçue spécifiquement pour le traitement de l'hémorragie du post partum. Elle est peut être mise en place par voie basse, ou en cours de césarienne. Elle réalise un tamponnement intra-utérin. Son utilisation est couplée à un tamponnement intra-vaginal.

 

Traction cervicale

L'hémostase par traction cervicale s'appuie sur la notion de courbure des pédicules afférents de l'utérus. Il s'agit essentiellement d'un moyen d'attente, mais la technique peut aussi être employée seule et poursuivie plusieurs heures. Ces techniques ne sont efficaces que sur les saignements supra vaginaux, ou à la limite des culs-de-sac, les plaies vaginales ne relèvent pas du tout de cela.
- Matériel
Il faut de bonnes pinces à préhension du col de type pinces en cœur (Duval) ou pinces de Museux (mais celles-ci peuvent aussi blesser le col). Il en faut 4 à 6 (2 étant l'extrême limite).
- Technique
Les pinces sont réparties le plus harmonieusement possible autour du col en assurant des prises solides, puis le col est mis en traction. Il est étonnant de voir comme ce simple geste est efficace à ralentir ou stopper le saignement.
Certains recommandent d'ajouter une rotation de 90° (un 1/4 de tour), comme si on tournait un volant. Il faut ensuite maintenir la traction tant que nécessaire. Il a même été décrit des systèmes de traction, comme pour une mise en traction de fracture du fémur, afin de maintenir le geste pendant plusieurs heures.

Radiologie interventionnelle

La radiologie interventionnelle, c'est-à-dire l'embolisation artérielle, a révolutionné la prise en charge des hémorragies graves de la délivrance.

Le principe

L'embolisation consiste à injecter in situ dans les petites artères en cause des bouchons de produit résorbable.

Les conditions

La réalisation nécessite de disposer
- de temps;
- d'une patiente suffisamment stable sur le plan hémodynamique;
- d'un endroit adéquat: service équipé pour l'embolisation, mitoyen d'un service de réanimation;
- d'un radiologue capable d'effectuer la procédure.

Les résultats

L'embolisation est très efficace, mais elle n'est pas miraculeuse. Elle est incapable de prendre en charge des hémorragies dépendant de gros troncs artériels. Son domaine d'excellence recouvre les hémorragies continues des artérioles, les saignements veineux et les saignements en nappe.

 Les techniques chirurgicales

1) Les capitonnages utérins

Principe

Le principe est celui combiné de la compression et des points d'hémostase en X.
1 - Technique de Cristalli[1] qui consiste à passer des points de capiton (en X et au fil résorbable) au travers de chaque paroi utérine, antérieure et postérieure. Cette technique d'application simple est efficace si elle est employée tôt.
2 - Technique de CHO[2] plus récente et dérivée de la précédente, elle consiste à passer des points qui réalisent un encorbellement comprimant l'ensemble du corps utérin et non plus chaque paroi.
Ces techniques simples et à la portée de n'importe quel opérateur habilité à réaliser une césarienne sont conservatrices et ne semblent pas obérer la fertilité ultérieure.

2) Les ligatures vasculaires

- Ligature des pédicules afférents (Technique de Tsirulnikov[3])

- Principe: Il s'agit des ligatures électives des vaisseaux qui amènent le sang à l'utérus: artères utérines, artères utéro-ovariennes et ligaments ronds.
- Technique: Passage de points de fil résorbable sur les utérines et les ligaments ronds, comme pour une hystérectomie abdominale, hémostase des ligaments utéro-ovariens par des prises épargnant les trompes.
- Résultats: La technique de Tsirulnikov peut être suffisante, mais elle est souvent assez décevante si elle n'est pas associée à un capitonnage. Quoi qu'il en soit elle ne coupe pas les ponts et doit être tentée sans trop tarder. A plus long terme, elle ne semble pas obérer la fertilité.

 - Ligature des artères hypogastriques

Il s'agit là d'un véritable geste de chirurgie vasculaire qui relève d'un opérateur entrainé et capable d'aborder les axes vasculaires.

Anatomie

L'artère hypogastrique (ou iliaque interne) nait de la division de l'iliaque primitive en externe (pour le membre inférieur) et interne (pour le pelvis: utérus, vessie...). L'iliaque primitive est elle-même née de la division terminale de l'aorte.

 Technique

Le repérage de l'iliaque interne se fait assez facilement en partant de l'aorte battante et en la suivant vers le bas. La bifurcation aortique donne naissance de chaque côté à l'iliaque primitive, la bifurcation suivante donne naissance à l'iliaque externe qui va longer le psoas à la partie antérieure et externe du petit bassin et à l'iliaque interne qui est plus profonde.
En situation de stress, le repérage peut être plus difficile, il est surtout gêné par le volume de l'utérus qu'il faut récliner par une valve d'un côté puis de l'autre.
Il faut ouvrir le péritoine pariétal postérieur sur le relief de l'artère. Le passage du fil résorbable (Vicryl® ou Polysorb® 2/0) se fait après avoir créé un trajet au passe fil mousse deux à trois cm sous la bifurcation iliaque.

3) L'hystérectomie d'hémostase

Arme ultime et définitive de l'hémorragie obstétricale, son emploi a bien diminué avec l'émergence des autres techniques d'hémostase (conservatrices celles-là), mais elle n'a pas totalement disparu et elle sauve encore des femmes. A ce titre elle doit être connue et ne pas être rejetée de principe.
La technique est décrite dans les livres [4], je ne la détaille pas ici.

L'hystérectomie pose deux questions:
- quand la faire?
et
- faut-il conserver le col de l'utérus ?

Le moment de réalisation
Faire une hystérectomie immédiatement est idiot et inutile, mais trop attendre est dangereux. C'est le sens clinique de l'opérateur aguerri, conseillé par l'avis de l'anesthésiste et l'état de la patiente (hémodynamique, mais aussi plus généralement son nombre d'enfants, son âge...) qui guideront la décision de ce geste définitif.

Hystérectomie totale ou sub-totale ?
Le but de l'hystérectomie est de retirer l'utérus qui saigne, mais le col est de peu d'importance. Le "corps" du geste c'est le corps!
Il est, de plus, risqué de chercher à être exhaustif dans son exérèse, d'autant que le repérage du col est difficile, voire impossible sur un col ramolli de femme qui vient d'accoucher et dans une atmosphère de stress intense. Il faut rester simple: retirer le corps utérin, en restant loin des uretères, c'est l'essentiel.

 Notes

  1. Capitonnage des parois utérines dans les hémorragies obstétricales sévères. Cristalli B, Levardon M, Izard V, Cayol A. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris). 1991;20(6):851-4.
  2. Hemostatic suturing technique for uterine bleeding during cesarean delivery. Cho JH, Jun HS, Lee CN. Obstet Gynecol. 2000 Jul;96(1):129-131
  3. Ligature des vaisseaux utérins lors des hémorragies obstétricales. Résultats immédiats et à long terme. Tsirulnikov MS. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris). 1979;8(8):751-3
  4. Hystérectomie sur utérus gravide. B. Cristalli, M. Levardon. Encyclopédie Médico-chirurgicale, Obstétrique. 5103 A-10

bouclierBernard Cristalli - Texte sur CopyRight - ne pas Utiliser sans l'accord de l'auteur

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